Les mots de la nouveauté dans des arts poétiques et rhétoriques médio-latins (XIIe-XIIIe siècles)

Mots et usages d'une catégorie historiographique

Les mots de la nouveauté dans des arts poétiques et rhétoriques médio-latins (XIIe-XIIIe siècles)

Les mots de la nouveauté

dans des arts poétiques et rhétoriques médio-latins (XIIeXIIIe siècles)

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Florence Tanniou

Université Paris-Nanterre, CSLF

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Parmi les arts poétiques et rhétoriques latins des xiie et xiiie siècles, deux titres attirent particulièrement l’attention sur la notion de « nouveauté » : la Poetria nova de Geoffroy de Vinsauf, rédigée vers 1208-1213[1], et plus encore la Rhetorica novissima de Boncompagno da Signa, vers 1235[2]. Le premier traité est écrit par un écrivain anglo-normand à la carrière européenne, le second par un professeur de l’Université de Bologne. J.-Y. Tilliette a montré que la « nouvelle » poetria de Geoffroy s’oppose à l’art poétique ancien, celui d’Horace, en une tentative de le ressourcer à l’aide de la rhétorique cicéronienne[3]. Si la rhétorique de Boncompagno renchérit sur l’idée de nouveauté avec le superlatif « novissima », elle veut aussi marquer plus nettement son renouvellement radical par rapport au modèle latin. En effet, au Moyen Âge, la rhetorica nova fait référence à la Rhetorica Ad Herennium, alors attribuée à Cicéron et s’opposant au De Inventione, présenté comme la Rhetorica vetus[4]. Boncompagno étant pour sa part lui-même l’auteur en 1215 d’une Rhetorica antica, qui avait pour ambition de remplacer la rhetorica vetus, son titre de « novissima » contraste triplement par rapport à la Rhetorica ad Herennium, par rapport à sa propre œuvre antérieure, et peut-être par rapport à celle de Geoffroy de Vinsauf, en invoquant un degré supérieur dans la nouveauté[5]. Il ne faut en rien minimiser ce qui apparaît comme une proposition « polémique » et se démarque avec « une franche agressivité » comme une volonté de rendre caduques les « rhetoricae vetus (le De Inventione) et nova (la Rhétorique à Herennius) de Cicéron[6] ». Sur un mode polémique pour Boncompagno, moins offensif pour Geoffroy, on assiste dans les deux cas à une impulsion pour un renouveau poétique ou rhétorique et une revendication de la modernitas qui est « un concept affecté de connotations très négatives au début du Moyen Âge », comme le rappelle J.-Y. Tilliette[7], mais qui se trouve ici placé au cœur de la poétique par des textes importants se donnant aussi pour modèles de création.

Cette revendication ne se limite en rien aux seuls titres des traités : le discours tenu laisse sentir à des degrés divers une aspiration à la nouveauté, à la rénovation consciente de la poétique et de la rhétorique antiques. Un certain nombre de termes et d’expressions s’en font l’écho dans ces traités qui jouxtent et accompagnent la reviviscence de l’antique dans la littérature européenne du xiie siècle[8]. Parmi ces arts poétiques et rhétoriques en latin qui s’écrivent à travers l’Europe, on peut également citer l’Ars versificatoria de Mathieu de Vendôme (avant 1175), l’Ars Poetica de Gervais de Melkley (vers 1215), le Candelabrum de Bene de Florence (1222-26), la Poetria parisiana de Jean de Garlande (vers 1225-30), qui – s’ils n’en font pas état dans leur titre – expriment aussi à des degrés divers cette propension au renouveau.

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La Poetria Nova de Geoffroy de Vinsauf

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La Poetria Nova de Geoffroy de Vinsauf, très diffusée[9], est explicite dans sa recherche de la nouveauté : le chapitre qui traite des ornements du style s’ouvre en effet sur un préambule de 28 vers qui exalte l’idée de nouveauté. Présent parmi les « ornements du style » dans la Rhétorique à Herennius[10], le néologisme semble extrait de la liste des figures par Geoffroy, qui en fait comme le paradigme amplifié de toute sa partie sur les ornements. La figure est alors traitée selon une dimension beaucoup plus générale, également orientée par la prééminence de la transumptio, concept qui englobe tous les procédés métaphoriques[11]. Geoffroy prône l’idée d’une nouveauté généralisée par l’ornementation stylistique – l’écriture s’entendant, dans le cadre des dynamiques de transfert si fécondes au Moyen Âge, comme une forme de réécriture :

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Ut res ergo sibi pretiosum sumat amictum,

Si vetus est verbum, sis physicus et veteranum

Redde novum. Noli semper concedere verbo

In proprio residere loco : residentia talis

Dedecus est ipsi verbo ; loca propria vitet

Et peregrinetur alibi sedemque placentem

Fundet in alterius fundo : sit ibi novus hospes

Et placeat novitate sua. Si conficis istud

Antidotum, verbi facies juvesnescere vultum (v. 757 et ss., éd. Faral, p. 220)

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Afin de revêtir le sujet de la robe précieuse qui lui siée,

Si le mot est usé, soyez médecin, et de ce vieillard

faites un jeune homme ! N’autorisez jamais le mot

à demeurer en son lieu propre : une telle demeure

lui fait honte. Qu’il laisse là son territoire

et prenne la route pour ailleurs ; qu’il établisse

ses pénates charmants sur la propriété d’autrui,

y soit le nouvel hôte et charme par sa nouveauté.

Si tu confectionnes un tel élixir, tu rajeuniras le visage des mots

(trad. J.-Y.Tilliette dans Des mots à la Parole, op. cit., p. 122)

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Si on reconnaît ici la métaphore, comme le rappelle J.-Y. Tilliette, il est également notable que s’y soit amalgamé le principe même de rénovation propre au néologisme, prenant pour champ d’application toute l’ornementation stylistique. De facto, cette figure transumptive servira de support au renouveau rhétorique imaginé : la transumptio, chère à tous ces traités, est vue comme l’incarnation de ce processus « le plus apte à faire voyager les mots[12] ». La place liminaire conférée à cette alliance du néologisme et de la transumptio est primordiale et lui donne une valeur très générale qui subsume les autres figures. À ce qui est vieux (vetus, veteranum) s’oppose donc la nouveauté (novitate, novum), avec l’image de la nouvelle demeure que doit habiter le mot qui devient un « nouvel hôte » (novus hospes) et l’usage du verbe juvenescere, autant de termes qui suggèrent à A. Leupin le mot – non employé dans le texte – de « rejuvenatio », et le fait parler d’une « allégresse de la modernité[13] ».

L’idée, qui semble en effet « d’une étonnante modernité », peut toutefois être rattachée à la pensée de Saint-Augustin dans le droit fil de la tradition horatienne[14]. Bien loin de nombre d’usages médiévaux de l’adjectif « novus » qui s’avèrent négatifs, il y a donc ici une forme d’exaltation du renouveau. Aux yeux de J.-Y. Tilliette, une telle revendication (« la jouvence des mots », selon le titre de son chapitre) pourrait être associée à une « crise de valeur de la poésie latine des xiie et xiiie siècles, car elle est soumise à la concurrence de la langue romane » qui connaît une « véritable renaissance » ; ailleurs il parle de « révolution intellectuelle[15] ». Loin de fonctionner de manière déconnectée, langues latine et romane se conçoivent dans des jeux simultanés de régénération.

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La Rhetorica novissima de Boncompagno da Signa

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Plus confidentielle[16] mais plus spectaculaire dans son affirmation de nouveauté, la Rhetorica novissima de Boncompagno da Signa réoriente la rhétorique vers des nécessités juridiques tout en la liant à une dimension morale. Dès le prologue, après avoir annoncé sa « novissimam rhetoricam », Boncompagno conçoit un système discursif d’opposition entre ses potentiels détracteurs et lui-même. Alors que ces ennemis projetés récusent toute possibilité d’une rhétorique novatrice, il en pose l’existence. Dans ce jeu de questions/réponses se multiplient les termes autour de novissimus, appliqués à sa rhétorique aussi bien qu’à l’époque contemporaine, les « diebus novissimis » s’opposant aux « antiquissimis temporibus ». Reprenant les termes, les niant d’un côté, les soutenant de l’autre, il sature son lexique de ces superlatifs de la nouveauté :

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Invectiva contra Boncompagnum :

Item cum artes fuerint ab ipso mundi principio adinvente, et per viros disertissimos approbate, quomodo potuit idem in diebus novissimis novissimam rhetoricam invenire, maxime cum ab antiquissimis temporibus per Tullium Ciceronem, qui tuba Romani eloquii dicebatur ex infinitis rhetorum preceptionibus rhetorica fuerit compilata ? [….] quomodo potuit iste nunc aliquid invenire, presertim cum nihil sit recens sub sole, et nil intentatum reliquerint antiqui philosophi et poete ? […]

Responsio Boncompagni :

[…] Unde queque singula iugiter innovantur. Nam cum opifex mechanicus habet materiam preiacentem, novam prebet ad libitum materiato figuram. […] Quod autem dicitur nichil est recens sub sole, verum est in genere, sed non in specie ; quia cotidie creat Deus novas animas […] Plasmator est hominis Deus qui cuncta solus ordinat et disponit, post renovationem gratie novam oculis nostre mortalitatis lucem infundit : […] Ille qui dicit se novissimam rhetoricam invenisse, tenetur assignare causas principales […] Sufficiant ergo vobis hec testimonia, o increduli, qui usque in hodiernum diem negastis quod novissima rhetorica non poterat inveniri […] Dicit enim lex, quod in rebus novis constituendis evidens utilitas esse debet, etc.[17]

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Boncompagno expose les raisons pour lesquelles sa rhétorique surpassera celle de Cicéron, qu’il veut renouveler dans une visée pratique. La nouveauté s’exprime dans un lexique resserré autour de la racine de novus (nova, novissima, innovantur, renovationem), martelé de manière insistante, mais aussi à travers des expressions plus imagées (« nichil est recens sub sole », « rien de nouveau sous le soleil », une affirmation de ses détracteurs fictifs qu’il conteste vivement).

La nouveauté rhétorique se lie à la justification d’un renouveau d’ordre théologique (renovationem)[18]. Certains traités rapprochent de la sorte leur réflexion sur le renouvellement rhétorique avec le principe du passage de l’Ancien au Nouveau Testament. Bene de Florence, qui écrit le Candelabrum en deux étapes, autour de 1222 puis de 1226, use de cette représentation qui confère à son traité le statut de la nouveauté :

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Octonarius igitur huius nostri Candelabri perfectioni quidem novi consonant Testamenti, quoniam vetera transierunt et ecce nova iam clarescunt ; propulsis enim procul erroribus, hic possunt omnes in brevi tempore ad lucem et coronam tam nobilis scientie pervenire[19].

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Quant à Boncompagno da Signa – sans postérité ou influence extrêmement marquée –, il inscrit surtout d’une manière des plus visibles sa volonté de procéder à une rénovation de la rhétorique, mû à la fois par le désir de renouveler sa source et par une profonde aspiration à la modernité. T. Tunberg parle d’un « aggressive and outspoken “modernism” » et d’un « “modern” Latin style[20] ». Loin de la rhétorique cicéronienne ou des conceptions des arts poétiques, cette proposition de rénovation est influencée par les usages de l’ars dictaminis[21]. Elle envisage des agencements rhétoriques variés, aussi bien portés par le discours oral que par la lettre, dans une conception liée à la pratique (qu’elle soit politique, diplomatique, juridique), renouvelant profondément les orientations de la composition des discours[22].

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Quelques autres traités…

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Si de telles revendications sont moins affichées dans d’autres traités, T. Tunberg estime pourtant que Mathieu de Vendôme essaie également de justifier la « nouveauté » de son Ars Versificatoria (avant 1175) et que sa dénonciation des fautes des auctores rappelle cette attitude de renovatio[23]. Gervais de Melkley exprime aussi cette idée de renouveau (« nova cotidie surrepit inventio modernorum[24] »). L’idée de rajeunir le langage – comme chez Geoffroy de Vinsauf – n’est pas absente non plus du Candelabrum de Bene de Florence :

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Et quando rem veterem et usitatam narramus, pulcrum est ordinem variare ut tota iuvenescere videatur[25].

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Et c’est enfin sur un mode plus imagé que s’exprime la Parisiana Poetria vers 1225-30 : transformant profondément l’approche des arts poétiques[26], elle annonce la volonté d’accroître et de faire prospérer les études parisiennes et les instruments qui s’y rattachent, « scilicet libri ». Jean de Garlande développe alors l’image du troupeau studieux et toujours croissant des lettrés, guidés par leur berger. Il fait succcéder à l’image d’une fontaine d’Apollon jaillissante (« Apolineas fons iaculatur aquas ») la métaphore de la nourriture nouvelle destinée au troupeau :

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    Prime doctrine teneri nova pabula carpant

Agniculi ; pastor spectet, ovile terrat[27].

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Dans la même veine du renouveau, Jean de Garlande image le climat intellectuel parisien, qui « fleurit » (floret, p. 38) ou « s’épanouit » (vernat, p. 4). Dans les poèmes qu’il propose pour illustrer différents types de versification, il prend aussi l’exemple d’une leçon magistrale – « exemplum domesticum de Principio Magistrali » – à travers lequel il affirme que l’homme doit se re-former en Dieu (reformari), se renouveler en vertu (renouari), et restaurer le savoir (restaurari) :

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    Ergo si nos uolumus Deo reformari,

    Exules uirtutibus decet renouari.

    Culpa sapienciam dedit ignorari ;

    Virtute sciencia petit restaurari. (VII, v. 670-674, p. 168)

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Cette vision de l’homme nouveau exalte l’image d’un savoir entrant dans une « nouvelle vie » :

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    Suscita studio, surgit rediuiua

    Et crescit sciencia, uirens ut oviua :

    Seritur in pueris hora sementiua ;

    Floret in iuuenibus fructus redditiua. (VII, v. 678-681)

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Et la métaphore végétale du bourgeon qui fleurit ou fructifie est clairement associée à l’idée d’une science (sciencia) ou d’un savoir (studio) régénérés et régénérants[28]. La tendance est donc à celle d’arts poétiques et rhétoriques affirmant de manière plus ou moins prononcée la nouveauté d’un art et d’un savoir. Que l’on puisse contester la faculté de certains des auteurs à rénover véritablement la rhétorique antique importe moins à cet égard que le sentiment qu’ils expriment de la renouveler[29].

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Si l’on quittait les arts poétiques et traités rhétoriques pour observer la poésie latine des xiiexiiie siècles, on constaterait également l’influence de ces idées (au sens large, car certaines œuvres sont antérieures à ces traités, ceux-ci venant formaliser des pratiques d’enseignement et d’écriture qui étaient en place au cours du xiie siècle). Ainsi de l’Iliade latine de Joseph d’Exeter, entre 1183 et 1190, qui oppose métaphoriquement jeunesse et vieillesse[30]. On pourrait sans doute également mener l’enquête dans les œuvres de Simon Chèvre d’Or, qui écrit autour de 1150-1175 deux versions de l’histoire de Troie, au cœur de la « révolution poétique du xiie siècle latin », présentant une saturation de l’élocutio, des fleurs de rhétorique, selon une « manière d’écrire qui se renouvelle de fond en comble[31] ». Si l’on souscrit à l’idée que cette novitas, qui se dit en latin, pourrait constituer une réaction de crise au développement de la littérature en langue vernaculaire, il est remarquable de constater que cette littérature vernaculaire concurrente, d’une radicale nouveauté, ne se pare pas autant, quant à elle, des mots de la nouveauté. On n’en rencontre guère dans les premières compositions en langue romane et le déficit comparatif d’arts poétiques en langue vernaculaire ou portant sur la langue vernaculaire, à la même période, est flagrant ; n’en est que plus notable l’absence de termes liés à la nouveauté dans les propositions de réécriture qu’offre le Trésor de Brunetto Latini (vers 1260-66), en partie adossé à la Rhetorica ad Herennium, mais aussi à la Poetria nova de Geoffroy de Vinsauf. Alors que le vernaculaire masquerait plutôt sa radicale nouveauté, le latin se serait-il érigé par réaction ou par englobement – en capitalisant sur cette révolution romane qui ne se théorise guère – en modèle du renouveau ? À une époque où les lignes rhétoriques bougent, tout autant dans les théories que dans les usages littéraires ou pratiques qui en sont faits, dans un contexte de langue latine comme de langue vernaculaire, seuls certains traités poétiques ou rhétoriques en langue latine en portent la trace affirmée.

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  1. Voir Edmond Faral, les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle. Recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Paris, Champion, [1923] 1962. Voir également Le Poetriae del medioevo latino. Modelli, fortuna, commenti, dir. G. C. Alessio, D. Losappio, Venise, Edizioni Ca’Foscari, 2018.

  2.  Voir Rhetorica novissima, éd. A. Gaudenzi, Bologne, 1892 (et voir en ligne : http://www.scrineum.it/scrineum/wight/rnprol.htm). Voir Mary Carruthers, Le Livre de la mémoire : une étude de la mémoire dans la culture médiévale, Paris, Macula, 2002, p. 239 et ss. Sur les rapports entre ars dictaminis et ars poetriae, voir Benoît Grévin, « Revisiter les rapports entre l’ars dictaminis et l’ars poetriae », dans Fleur de clergie. Mélanges en l’honneur de Jean-Yves Tilliette, dir. O. Collet, Y. Foehr-Janssens et J.-Cl. Mühlethaler, Genève, Droz, 2019, p. 351-369.

  3. Voir Jean-Yves Tilliette, Des mots à la Parole. Une lecture de la Poetria Nova de Geoffroy de Vinsauf, Droz, Genève, 2000, p. 38.

  4. Voir Terence O. Tunberg, « What is Boncompagno’snewest rhetoric” ? », Traditio, vol. 42, 1986, p. 199-334, ou encore Philippe Guérin, « La voie rhétorique vers le corps : narratio, descriptio, gestus et transumptio dans la Rota Veneris de Boncompagno da Signa », Arzanà. Cahiers de littérature médiévale italienne, vol. 18, 2016 (en ligne : https://doi.org/10.4000/arzana.1002).

  5. Pour une mise en perspective générale, voir Danièle James-Raoul, « Les arts poétiques des xiie et xiiie siècles face à la rhétorique cicéronienne : originalité et nouveautés », La Transmission des savoirs du Moyen Âge à la Renaissance, dir P. Nobel, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, vol. 1, 2005, p. 199-213 et ead., « La théorie des trois styles dans les arts poétiques médiolatins des xiie et xiiie siècles », Effets de Style au Moyen Âge, dir. Ch. Connochie-Bourgne et S. Douchet, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2012, p. 17-26.

  6. Voir Des mots à la Parole, op. cit., p. 38.

  7. Voir Des mots à la Parole, op. cit., p. 38.

  8. Ces traités seront également des modèles pour le vernaculaire. Même si les arts poétiques ont majoritairement été rédigés au xiiie siècle, ils correspondent à des idées diffusées dès la deuxième moitié du xiie siècle et l’étude des romans antiques a montré que les préceptes qui y sont formulés (par exemple dans celui de Mathieu de Vendôme) pouvaient se retrouver dans l’écriture vernaculaire. Voir Catherine Croizy-Naquet, Thèbes, Troie, Carthage. Poétique de la ville, Paris, Champion, 1994, notamment p. 160 et ss. Sur les liens entre traité et écriture vernaculaire, voir aussi Danièle James-Raoul, Chrétien de Troyes, la griffe d’un style, Paris, Champion, 2007, en particulier p. 128 et ss.

  9. Voir Marjorie Curry Woods, Classroom commentaries. Teaching the Poetria Nova across Medieval and Renaissance Europe, Columbus, The Ohio State University Press, 2010, p. 21 et ss.

  10. Ou dans d’autres traités médiévaux qui la reprennent : voir par exemple Évrard l’Allemand dans le Laborintus, autour de 1220, dans Arts poétiques, éd. E. Faral, p. 336 et ss., en particulier p. 348 : « Est verbi novitas mihi dulcis, sic ego dico… ». (« la nouveauté du mot est douce pour moi, je parle ainsi… »).

  11. Sur la transumptio, voir par exemple Benoît Grévin, « Métaphore et vérité : la transumptio, clé de voûte de la rhétorique au xiiie siècle », dans La Vérité. Vérité et crédibilité : construire la vérité dans le système de communication de l’Occident (xiiiexviie siècles), dir. J.-Ph. Genet, Éditions de la Sorbonne, 2015, p. 149182.

  12. Voir Des mots à la Parole, op. cit., p. 124. Voir également Danièle James-Raoul, « La promotion de la métaphore dans les arts poétiques médiévaux », dans « En un vergier », Mélanges offerts à Marie-Françoise Notz, dir. J. Ducos, G. Latry et G. M. Rocati, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, 2009, p. 239-252, en particulier p. 241.

  13. Voir Alexandre Leupin, Fiction et incarnation. Littérature et théologie au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 1993, p. 15, cité dans Des mots à la Parole, op. cit., p. 11.

  14. Ibid., p. 122-123 et p. 137 et ss. ainsi que Charles Méla, « Poetria nova et homo novus », Modernité au Moyen Âge : le défi du passé, dir. B. Cazelles et Ch. Méla, Droz, Genève, 1990, p. 207-246.

  15. Voir Des mots à la Parole, op. cit., p. 11, p. 46

  16. Voir Mary Carruthers, « Boncompagno at the Cutting-edge of Rhetoric: Rhetorical Memoria and the Craft of Memory », The Journal of Medieval Latin, vol. 6, 1996, p. 46-64 et « Boncompagno da Signa, On memory », dans The Medieval Craft of Memory. An Anthology of Texts and Pictures, dir. M. Carruthers et J. Ziolkowski, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2002, p. 103-117, p. 109 et ss. en particulier. Voir également James J. Murphy, Rhetoric in the Middle Ages: a History of Rhetorical Theory from Saint Augustine to the Renaissance, Berkeley, University of California Press, [1974], 1981, p. 255 et ss.

  17. Voir le texte sur http://www.scrineum.it/scrineum/wight/rnprol.htm. « Invective contre Boncompagno. De même, alors que les arts furent découverts au tout début du monde et agréés par les hommes les plus éloquents, comment a-t-il pu, dans nos jours nouveaux, inventer une rhétorique absolument nouvelle surtout quand, dans des temps très anciens, fut compilée par Cicéron, qui est considéré comme le héraut de l’éloquence romaine, la rhétorique tirée d’innombrables préceptes des rhéteurs ? […] Comment cet individu a-t-il pu à présent inventer quelque chose, surtout qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil et que les anciens philosophes et poètes n’ont rien délaissé dans leurs essais ? […] Réponse de Boncompagno : par là, chacun innove continuellement. Car lorsque l’artisan en mécanique dispose d’une matière préexistante, il donne à son gré au matériau une forme nouvelle […] Quant à ce que l’on dit, qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil, cela est vrai en général, mais pas en particulier, parce que chaque jour Dieu crée de nouvelles âmes […] Dieu est le façonneur de l’Homme ; lui seul ordonne et dispose toutes choses, après le renouvellement de la grâce, il répand une lumière nouvelle à nos yeux de mortels […] Celui qui dit avoir inventé la rhétorique la plus neuve, il est tenu d’en partager les choses essentielles […] Puissent ces témoignages vous suffire, ô incrédules !, qui jusqu’à aujourd’hui avez dit qu’une rhétorique tout à fait nouvelle ne pouvait pas être inventée. […] La loi dit en effet qu’il y a un intérêt évident à établir des choses nouvelles ».

  18. Voir T. Tunberg, art. cit., p. 304-306.

  19. Bene da Firenze, Candelabrium, éd. G. C. Alessio, Pavie, Antenore, 1983, p. 289 et T. Tunberg, art. cit., p. 306. Voir Véronique Abbruzzetti, « À propos du Candelabrum de Bene da Firenze », Arzanà, Cahiers de littérature médiévale italienne, vol. 8, 2002, p. 11-31 (en ligne : https://doi.org/10.3406/arzan.2002.912). Voir la traduction de Véronique Abbruzzetti, dans « À propos du Candelabrum de Bene da Firenze », Arzanà, 8, 2002, p. 11-31, ici p. 22 : « Les huit livres de notre Candelabre s’accordent avec la perfection du nouveau Testament puisque l’Ancien passa et que voici resplendir aujourd’hui toutes choses nouvelles. Loin de l’erreur désormais, tous peuvent rapidement atteindre la lumière et la gloire d’une si noble science ».

  20. Voir art. cit., p. 305.

  21. Sur l’immense influence du dictamen, voir par exemple Benoît Grévin, « les Frontières du dictamen », Interfaces, vol. 1, 2015, p. 142-169, en particulier p. 145-146.

  22. Voir Martin Camargo, Ars dictaminis-Ars dictandi, Turnhout, Brepols, 1991, p. 37-40.

  23. Voir T. Tunberg, art. cit., p. 305-306 et Mathieu de Vendôme, dans Arts poétiques, éd. Faral, op. cit., Prologue, p. 109 : « Praeterea praesumptioni non ascribatur novitas opusculi… ».

  24. Gervais von Melkley, Ars Poetica, éd. H. J. Gräbener, Münster, Aschendorff, 1965, Prologue, p. 3 (« L’invention nouvelle des modernes se répand chaque jour »).

  25. Bene da Firenze, Candelabrum, éd. cit., p. 212 (« Et lorsque nous racontons une histoire ancienne et connue, il est élégant de varier l’ordre afin que que l’ensemble apparaisse rajeuni »).

  26. Voir Elsa Marguin-Hamon, « Quelques aspects pragmatiques de la littérature médiolatine au miroir de l’art poétique de Jean de Garlande », dans Le Texte médiéval dans le processus de communication, dir. L. Evdokimova et A. Marchandisse, Paris, Classiques Garnier, 2019, p. 345-360, en particulier p. 349-350 et p. 354 : il s’agit d’une « poétique de la communication », qui la « distingue nettement des artes antérieures ou contemporaines », et qui fait place à des « situations d’écriture très concrètes et en prise avec une forme d’actualité sociale ».

  27. Jean de Garlande, Parisiana Poetria, éd. T. Lawler, New Haven and London, Yale University Press, 1974, Prologue.

  28. Voir également : Rationis speculum uestre porrigatis []

    Ut limetur ruditas lima nouitatis

    Et illimis pateat uia ueritatis (VII, v. 707-09, éd. cit., p. 170).

  29. Voir E. Marguin-Hamon, art. cit., p. 345.

  30. Joseph d’Exeter, L’Iliade. Épopée du xiie siècle sur la guerre de Troie, trad. et notes sous la direction de F. Mora, introduction de J.-Y. Tilliette, Brepols, 2003, v. 15 (p. 4) et p. 17. Voir également p. 26-31 : « À défaut de la matière, c’est la manière qui est neuve » ; il s’agit de « transmuer le vieux récit par la grâce des artifices de la nouvelle poétique ».

  31. Voir Sébastien Peyrard, « Notes sur l’Ilias de Simon Chèvre d’Or », Troianalexandrina, vol. 18, 2018, p. 129-149 : « Le projet est bien celui d’un renouveau stylistique placé sous le signe de l’expérimentation formelle, où le poète triomphant se place sur un pied d’égalité avec les Anciens ».

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